L'Abeille Piaggio
Partie 2
Ces premières heures de voyage furent un supplice, j'étais comme une énorme boule de nerf enfermée dans une toute petite caisse. Mes dents étaient serrées au maximum, mon corps aussi dure qu'un tronc d'arbre et mes mains aussi lourdes que du marbre, et les doigts comme collés à la Super Glue sur le guidon...
De temps en temps j'arrivais à me rassurer en me disant que c'était normal d'avoir peur, que c'était le premier jour, que j'allais m'habituer. Alors j'essayais de paraître calme et relaxée pour me mentir à moi même, je desserrais les mains et bougeais mes doigts tout ankylosés à force de serrer le volant. Je fumais des cigarettes pour me donner de l'assurance, mais très vite ça me reprenais, je voyais des choses qui m'inquiétais à nouveau, des choses étranges qui se passaient derrière mon dos: une voiture qui me suivait, un passant qui me regardait suspicieusement, un drôle de bruit dans le moteur, un village qui n'existait pas sur la carte...je devenais complètement paranoïaque.
Tout mon corps me disait de faire demi tour et d'aller me cacher au fond d'un train pour Paris, mais ma tête était heureusement trop fière et trop têtue pour se laisser faire. Elle retenait donc mes mains tremblantes...Elle aurait eu trop honte de ne pas tenir ses engagements...
Pendant ce temps je voyais les panneaux des petites villes défiler devant moi à un rythme qui me paraissait d'une lenteur extrême. Je passait donc Sassuolo, Parma, Fidenza, et n'en pouvant plus, me sentant à la limite de l'explosion nerveuse, je m'arrêtais à Pacienza pour déjeuner. J'avais fait 181 km en 4 heures et il m'en restait encore de 1020 à parcourir, je m'était préparé un sandwich avant de partir mais je ne pouvais rien avaler...
Comme toujours dans ces cas là, je décidais donc d'appeler ma mère, pour lui dire que malgré tout j'allait bien et surtout pour chercher un peu de réconfort...
Elle était très énervée contre moi, et surtout très inquiète. Déjà lorsque je lui avait parlé de mon projet elle avait essayé de m'en dissuader en disant que c'était beaucoup trop dangereux. Et maintenant que j'étais partie elle continuait, elle me disait que j'étais complètement inconsciente, que je devais tout de suite m'arrêter et prendre le train... Rien pour me donner du courage. Je commençais à regretter de l'avoir appelé dans un moment de faiblesse, sachant très bien ce qu'elle allait me dire.
Mais peut être qu'à ce moment là, mon Inconscient s'est intelligemment souvenu que l'esprit de contradiction est plus fort que tout chez moi. Surtout lorsque le moral est au plus bas. Et, sachant pertinemment qu'il suffit que l'on m'affirme quelque chose pour que je pense le contraire, surtout lorsque c'est « maman » l'interlocuteur, il a surement fait dire à ma mère ce que je pensait déjà pour que je puisse penser le contraire et reprendre la route...Ca n'a pas raté, je dis à ma mère avec une voix très sure que tout allait bien, que je faisais très attention et qu'elle ne devais pas s'inquiéter car je savais très bien ce que je faisais. Puis je raccrochais avant qu'elle ne trouve en moi la faille pour arriver à me convaincre ( car, croyez moi, elle fait ça très bien).
Ce n'était pas vrai, je ne savais pas du tout ce que je faisais, mais cet autre moi me connait mieux que moi même (normal c'est son rôle), et sa tactique fonctionna si bien que dans un élan inespéré j'engouffrais mon sandwich, j'écrivis au marqueur sur un grand morceau de carton « quand tu veux tu peux »et disposais l'écriteau devant mon guidon afin que je puisse le voir en permanence. Et, en me moquant de moi même et des subterfuges auxquels on a souvent recours pour se motiver, je repris la route.
Quand la nuit commençait à tomber j' étais en pleine ascension vers Asti, j'étais déjà en retard sur le planning, normalement j'avais prévu d'aller le premier jour jusqu'à Turin. Mais c'était beaucoup trop dangereux de voyager de nuit car les routes commençaient déjà à être très sinueuses, et, à vrai dire, j'étais très fatiguée et l'envie de m'enfouir sous une grosse couette m'obsédait.
J'avais fait au préalable une liste de tous les hôtels et auberge que je croiserais sur ma route et je savais donc qu'il y avait un Bed&breakfast a Bramairate, un village situé juste après Asti sur la route de Turin.
Je réussi à trainer la Piaggio jusque là bas, l'auberge s'appelait La Cascina Bricchetto. En deux en trois mouvements j'avalais les bonnes pâtes de la patronne, je goutais le fameux vin de la région, je montais dans ma chambre et me faufilais dans un lit moelleux où je m'endormis aussitôt...
2 commentaires :
ramène nous un cubi de Pesto pour Antho,
JO
ouaou il y a un autre épisode!
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